Entre le semi-marathon de TOULOUSE (cf. article précédent) et le marathon de TOULOUSE, il y avait l’EKIDEN d’ALBI. Mais voilà, ma première blessure musculaire a fait son apparition. Élongation et petite déchirure au mollet droit. A l’entraînement, une douleur arrive. Je m’arrête aussitôt et là impossible de courir. Gêne pour marcher…Pas le choix. Toubib ! Direction le médecin qui me prescrit cachets, pommade… et une visite chez le kiné ! Le tout à un peu plus d’un mois du départ du marathon.
Soins et encore soins et repos. Repos, soins et encore soins. Puis arrive le premier test. Une séance de vélo d’appartement sans résistance durant dix minutes. Aucune douleur. Repos trois jours, soins et un nouveau test le dimanche (8 jours avant le marathon) en trottinant. Le test n’est pas concluant du tout. La douleur arrive après à peine trois cent mètres de course. Le moral chute violemment.
Soins et encore soins. Jeudi, nouveau test de trois fois 5 mn en trottinant. Et là… çà tient. Pas de douleur, pas de supers sensations dans le corps. Le lendemain nouvelle séance de soins et nouveau test de 20 mn à allure supérieure à celle du marathon afin de prendre une décision. J’avais prévu au début du plan d’entraînement de faire 3h50… un peu moins de 11km/h. Le test se fera à 12km/h. Et çà tient. On se lance donc sur l’aventure du marathon de Toulouse.
Plus d’objectif chronométrique bien sûr. Je sais que le mois manquant d’entraînement sera un super handicap pour la performance.
Mais quel plaisir de retrouver les rues de Toulouse et de faire connaître le combat des enfants et d’Imagine For Margo !
Deux collègues prendront le départ du semi-marathon avant moi et du coup, cela me fait passer le temps. On pense à autre chose. Leur départ est décalé de 20 mn… le mien aussi forcément.
Ils sont lancés dans les rues et je prends place à mon tour dans le sas. Mon épouse est présente avec moi. Nous savons tous les deux que rien n’est sûr pour ce marathon pour moi. Il est hors de question de jouer avec ma santé. A la moindre douleur au mollet je m’arrête. Je me sens pas prêt bien sûr, je sais que cela risque de devenir dur rapidement mais je suis pas super stressé. Pourquoi faire ? Cela changerait rien. On tente et on prend du plaisir. Après il y aura d’autres courses.L’échauffement a été calme et pas de douleur au mollet. Cela peut le faire. Je tiens la main de mon épouse tandis que le speaker se prépare à lancer les élites sur le parcours.
Ils sont chaleureusement applaudis. Faut dire que le départ a été déplacé par rapport aux autres années et la population est présente. Puis dans une rue moins étroite l’ambiance est de suite plus bruyante.
Bisous, check pour les enfants malades et direction la ligne de départ pour moi. L’ambiance est géniale.
Vu mon dossard, qui est fait par rapport à l’objectif chrono prévu à l’inscription, je suis devant la voile des 4 h. Je sais que je serais rattrapé et doublé par ces coureurs, mais aussi par celle des 4h15. La ligne est là et c’est parti. La montre chrono est lancée ainsi que l’application running. Mon épouse part dans les méandres du métro pour me trouver sur le parcours. Elle prendra pas de photo cette année. Elle sera plus dans l’assistance technique voir médicale. Le sac qu’elle porte est rempli de ravitaillements en tous genres, de médicaments et de la bombe de froid si besoin. Il est prévu qu’à chaque fois que je la verrais, je fais une petite halte pour dire comment cela va, prendre ce que j’ai besoin et repartir.
Les premières minutes sont géniales. Les gens encouragent. L’étroitesse de certaines rues font résonner ces applaudissements tout ce qu’il faut aux 2500 candidats au marathon de Toulouse. Je suis aux aguets. J’épie chaque muscle de mon corps. J’ai couru moins de 7 km en un mois mais pour le moment tout répond bien. Je suis même à l’allure prévue sur le plan d’entraînement marathon. Cela tiendra pas. Dans ma tête, je sais que cela ne pourra pas tenir, même si il y a une petite partie de ma tête qui y croit. Ou du moins l’espère. Nous partons avec un 15 degrés, du brouillard et bruine sans vent.
Avant le départ, je m’étais dit « au douzième kilomètre, j’aurais une idée ». J’y arrive. Et c’est là aussi où mon épouse se trouve. Je regarde partout. Je la cherche du regard. Elle me voit de loin et de suite elle me met le pouce en l’air du style « çà va ? ». Je lui réponds de suite par le même geste. Ça tient ! Je ne m’arrête pas. Je lui dis au passage que tout va bien. Prochain rendez-vous ce sera au 18ème.
La vitesse est constante et je me sens bien. Même si je m’épuise à savoir si tout va bien dans le mollet. J’entends des encouragements via l’application et comme d’habitude je sais que je ne suis pas seul.
16ème km : une pointe se fait sentir au mollet. Wouah, ahhh non . 16Km c’est trop loin de l’arrivée. Je ralentis de suite. Je passe sous les 10km/h. Il faut voir si cela tient. La douleur passe en gêne en quelques secondes et après quelques centaines de mètres, elle s’efface. Je respire mieux mais l’avertissement sans frais reste ancré dans ma tête. À 26km de l’arrivée, je ne peux qu’abandonner si cela devient plus violent.
18ème km, je vois mon épouse et même geste. Je prends juste un gel et je repars. Le semi va arriver avec son ravitaillement. Cela va faire du bien. C’est à ce moment là que la voile des 4h00 me double. Je ne suis plus à son allure depuis trois ou quatre kilomètres, je ne peux que la voir partir devant moi. 2H03 au semi, j’aurais signé avant le départ.
Je sais par contre que je suis trop rapide. Cela ne pourra pas tenir alors je m’économise et je baisse encore ma vitesse. Pas d’un coup, mais progressivement.
La pointe au 16ème me fait être aussi plus prudent. Je ne grimpe pas sur les trottoirs, je reste là où la route est la plus « plate » et sans dévers. Je me fatigue à me concentrer sur cela pour économiser mes forces et mes « petits » muscles.
Surtout que je ne verrais mon épouse qu’au 32ème maintenant. Faut aussi que je tienne jusque là. Je sais que là tout sera possible si le mollet tient jusque là. A voir. Je le dis à mon voisin à ce moment là. J’aimerais être plus vieux de 15 kilomètres. Il me répond que lui aussi voir même 20. Petits sourires échangés.30ème kilomètre. Le mur pour certains. Cette panne totale de force qui arrive sur un marathon entre les 28 et 42ème km. Je ne l’aurais pas, j’en suis certain. Non seulement je me suis bien ravitaillé mais en plus l’entraînement de fond doit faire son effet même si un mois manque. Je ne fais pas de bile sur ce sujet. Je suis toujours à l’écoute de mon corps. Même si je sens la fatigue arriver, rapidement, la tête et le corps vont bien.
Ravitaillement ! Y a de tout ! Fruits, eau, eau gazeuse, sucre, gâteaux… un paradis pour les gourmets du quatre heures. Je n’ai jamais autant bu sur un marathon. Eau et eau gazeuse au programme, orange et banane, un sucre et je repars. La chaleur prévue par la météo ne viendra jamais. Cool.
Et arrive le coup de mou. 32ème km. La fatigue arrive. Normal ! Je pensais qu’elle viendrait bien avant sans vous mentir. Mais cela ne joue pas sur mon moral. Pas grave. Y a encore quelques jours je ne pouvais pas courir ni faire ce marathon. Maintenant je sais, que sans douleur au mollet, je terminerais en rampant s’il le faut. Je me mets à marcher pour soulager les jambes.
Pas de chance, cela arrive quand mon épouse est là. Juste devant à quelques centaines de mètres. Je lui fais signe que cela va. Juste de la fatigue. Je m’arrête à ses côtés. Ravitaillement, comprimé contre les crampes. Un monsieur à côté de nous me demande quelle est la distance que j’ai couru depuis le départ, je lui réponds avec le sourire : « 32 et demi ». « Vous en êtes à la moitié ? ». « Ah non, m’en reste que 10 maintenant. Juste 10 km ». « Juste 10 ? Pfff je pourrais pas moi ». L’échange est sympa. Je m’attendais pas à pouvoir parler avec des gens comme cela sur un marathon. Je repars tranquille en disant à mon épouse de tabler sur 04h30 et même un peu plus pour mon arrivée. Je la verrais encore deux fois.
La fatigue est bien présente mais j’arrive à trottiner tranquillement. La voile des 04h15 me dépose avant le 33ème kilomètre. Je n’essaye pas de m’accrocher. Pas la peine, je suis trop loin et je ne tiendrais pas.
35km une douleur se fait sentir à la cheville. La malléole est en feu. Tiens donc ?!? Nouveau çà ! Pas de soucis madame est là. Un coup de bombe de froid sur la cheville et le mollet. Qui peut le plus…. Et puis cela fait du bien au moral.
38ème, plus que 4, fin du ravito et je fais signe à mon épouse pour la bombe. La cheville a toujours ce problème qui m’handicape pas mal. Je marche pour la soulager. Je dois le faire pour finir les deux derniers kilomètres sans m’arrêter. La douleur de la cheville s’efface un peu. Au moment où je vais pour repartir, mon téléphone sonne.
Le président de mon club : l’ACL. Il me demande mon temps. Je lui réponds en rigolant que je lui dirais cela dans 2 km et quelques car j’ai pas fini. Je lui explique que le départ a été décalé et que je finis tranquillement sans douleur. Lorsque je lui dis cela des bénévoles me regardent avec des gros yeux. « Il faut y aller et pas téléphoner ! Allez allez ! ». Je les regarde en souriant et je leur dis « j’en ai marre ! J’appelle un BLA-BLA CAR ! » cela les fait sourire et mon président me demande pourquoi je veux un Bla-bla car. Pas facile de courir en rigolant et avec la fatigue !
Je raccroche en promettant de l’appeler à l’arrivée et je repars.
Ces 4 ou 5 mn m’ont fait un bien fou. J’avais prévu de courir les 2 derniers kilomètres sans m’arrêter et bien ce sera les 3 derniers et demi !
Les gens encouragent. Crient, applaudissent. Je n’ai jamais vu autant de monde et d’ambiance sur le marathon de Toulouse. Je suis dans des petites rues. Il reste moins de 2 km. Une jeune femme est devant moi à quelques mètres. De ce que l’on voit, y a personne devant elle, personne juste derrière moi. Je me dis que si je la double on finira ensemble. Les bénévoles l’encouragent et semblent étonnés qu’elle tienne. Allez faut la rattraper Manu. J’arrive à quelques mètres d’elle et je la vois dépasser un homme qui marche. Il boîte, il se tient le dos et est penché sur le côté. En arrivant à sa hauteur, je le prends par le bras et je place ma main sous son aisselle. J’oublie la jeune fille. Je dis à cet homme « on va terminer ensemble, tous les deux, accroche toi ». Je trottine et lui marche vite. Il ne dit pas un mot. Il a mal et je pense que le mur est bien présent.
Cela a un effet immédiat sur moi. Je ne ressens plus aucune fatigue. Je suis bien. Je me sens fort. Pas frais mais assez fort pour terminer avec lui. Et puis cela a le don de rendre le public fou. On reçoit des encouragements comme jamais. Vu que nos noms sont marqués sur les dossards, j’apprends que mon compagnon s’appelle Stéphane ! Je lui parle, j’encourage. Je hurle sur les gens pour qu’ils l’aident, l’applaudissent : « allez Toulouse, il a besoin de toi ! ». On entre dans la dernière ligne droite. Un kilomètre. « Allez Steph, une borne ! C’est la fin ».
Les gens hurlent, applaudissent. C’est dingue. Il tient le coup, on va finir. A environ cinq mètre un jeune garçon arrive vers nous. « Allez papa ! ». Je lui dis que maintenant il faut tenir, son fiston est là. La sécurité ne dit rien quand nous arrivons tous les trois sur le tapis rose du dernier cent mètres.
Les bénévoles nous regardent et j’entends « allez Manu le lâche pas ». Oh punaise non c’est pas prévu. Le speaker officiel de la course que j’entends vaguement dit un truc du genre qu’on va finir tous les deux et que Manu aide Stéphane. Allez 100m !
Stéphane s’écroule littéralement. Je n’arrive pas à le tenir. Il se retrouve au sol. Je lui tends la main : « allez pas maintenant, on doit passer la ligne. Allez ! ». Je cries pour qu’il m’entende. Les gens l’encouragent tellement. Sur le moment, je ne fais pas attention à çà. Je n’arrive pas à le relever même s’il fait l’effort. Je demande à son fils de m’aider. Un bénévole arrive mais on n’aura pas besoin de lui. Je mets ma tête sous son épaule et « maintenant on s’arrête plus on y va ». A quelques mètres de la ligne, je lui dis « tu passes la ligne seul. Je te porterais pas, tu la passes seul Stef ! » Je sens juste dans son regard qu’il tiendra. Ces 100m m’ont semblé tellement long en intensité !
Dix mètres, j’enlève ma tête et je lâche mon compagnon. Je le regarde passer la ligne.
Je fais un geste pour ma mère, là-haut, comme d’habitude. Et je rattrape Stef. Un signe aux gens de la croix rouge qui l’assoit de suite. J’entends plus le bruit des gens qui nous applaudissent. Du speaker qui nous parle. Les gens nous regardent avec une lueur dans les yeux. Un truc de fou ! On a fini. J’ai presque sur le moment l’impression qu’on a couru toute la course ensemble.
Mon épouse m’appelle. Je la cherche dans la foule. Elle a le sourire et me demande si cela va. Oui ! Çà va ! J’ai pas mal. Je ne me sens pas fatigué… pour le moment.
Stéphane me remercie et je lui dis : viens on va chercher la médaille ensemble. Je lui tends la main et il me la prend de suite. Oubliés les gens de la croix rouge, le mur à 100 m de l’arrivée. Finishers !
Médaille autour du cou, on se prend dans les bras et après mille remerciements on se sépare dans le flot des finishers !
Les bénévoles sont avec le sourire et la bonne humeur aux petits soins pour nous. Ils me proposent de l’eau. « Ah non ! Je peux plus boire d’eau plate, j’en ai marre de l’eau plate ! J’en ai soupé ». Alors le bénévole me regarde et comme si nous étions au restaurant il m’indique tout ce qu’il a à me proposer. Oh purée ! Génial ! L’eau gazeuse et des boissons énergétiques feront mon bonheur. Mais mon bénévole revient et m’indique qu’il peut aussi me livrer en « victuailles fraiches et d’excellente qualité ». Énorme !!! Je prends de quoi me restaurer, même un peu trop et je retrouve mon épouse. Je la remercie pour son soutien et je tombe dans ses bras.
Quelques larmes coulent. Je ne pensais pas finir cette course. Y a encore quelques jours je ne pensais pas prendre le départ alors le finir ! Sans son aide cela aurait très difficile. Je sais aussi que j’ai dû lui faire avoir les pires pensées à lui dire que je faisais le marathon, de voir mes temps chuter doucement. Mais la rassurer sur la route a dû lui faire du bien.Sur le chemin du retour à la voiture, nous voyons deux sdf qui demandent juste à manger. Je m’arrête et je leur donne mon ravitaillement pris en trop. J’ai eu droit à une couverture de survie à l’arrivée. Elle leur servira plus à eux qu’à moi. Quelques mots de remerciements et de courage et hop direction le métro.
Une fois assis la fatigue s’abat sur moi. L’adrénaline de l’arrivée s’enfuit, les muscles crient leur ras le bol… Un après marathon normal.
Pour ceux qui ne courent pas, cela va être difficile à comprendre, mais quel plaisir d’avoir pu courir cette course même si le manque d’entraînement s’est fait sentir. Quel plaisir d’avoir pu partager ce moment avec d’autres coureurs que je ne connais pas. Quelle joie d’avoir pu aider Stéphane qui souffrait bien plus que moi. Quelle joie de pouvoir vous raconter cela et quel joie de pouvoir le faire en essayant de faire connaître le combat des enfants et le manque de moyens de la recherche !
Cette « victoire » d’avoir de franchir la ligne malgré le peu d’entraînement, je la dédie à tous les enfants ! Car grâce à eux, à leurs forces, on doit se sentir plus fort ! Et nous sommes plus forts que nos petits problèmes !
Merci à vous, merci à mon épouse et mes enfants pour leur soutien, merci à Toulouse pour ces encouragements.
Stéphane si tu peux lire cet article, retapes toi bien.
Enfin, je n’oublie pas de vous dire… J’ai dit à mon président que j’étais arrivé 🙂
janot
Oct 31, 2018 @ 21:11:48
Bravo Manu, quel courage pour terminer ce marathon. Félicitations
Ricou
Nov 02, 2018 @ 08:00:32
Bravo Manu, pour ton courage, ton engagement, ton altruisme et …..ton récit 😉 Quel suspense en le lisant, com’ d’hab on se régale!!! ;)…..
Manu
Nov 04, 2018 @ 00:11:36
Merci à vous deux !
yolande
Nov 10, 2018 @ 08:40:11
juste un peu à la bourre pour te féliciter Manu, internet en panne et soucis familiaux,bravo!!! quel courage pour arriver au bout et en plus tu penses aux autres, félicitations.
Marc
Nov 10, 2018 @ 09:28:52
Chapeau au marathonien Manu…Super commentaire de course…Comme si on y était…On reste « scotché » du début à la fin du « film »….