10 km l’Équipe : 16 000 concurrents, et moi, et moi et moi…
Paris, dimanche 15 juin, ligne de départ. Enfin, façon de parler : le portique est bien à 300 mètres.
Ce coup-ci, je suis arrivé trop tôt : plus d’une heure avant. En métro, direct depuis l’hôtel PTT, sans survêt’ et sans bagage. Avec une bouteille d’eau et le flyer (maintenant, ils appellent comme ça le prospectus de présentation de la course). Mais sans lunettes. Si bien qu’après m’être échiné à déchiffrer les plaques de rue en sortie de métro, je m’échine tout autant à regarder les rues mentionnées en minuscule sur le schéma du flyer. Finalement ça sonne bien : le flyer. Fla hier, flagada demain. Pfff.
J’ai fait comme les autres : le tour du pâté d’immeubles. Avec des accélérations courtes. Pas s’user quand même. Puis je campe devant Beaubourg : le jour où j’aurai besoin de tuyaux, je reviendrai ici. Là, tu ne peux pas les manquer : bien visibles, des rouges, des bleus. Allez, faut rejoindre le sas des 48 minutes. C’est l’objectif. Ambitieux, car j’ai moins la patate qu’à Castres, où je m’en suis approché à 10 secondes. Et il fait déjà chaud sur le pavé de Paris.
Oups, mais c’est que des jeunes tout autour. Qu’est-ce que je dois faire rustique au milieu ! Heureusement que je n’ai pas pris le maillot de Lacaune (quelle contre-publicité sinon). Tandis que là : maillot noir floqué « Stargate », ça déchire grave, non ? Allez, se noyer dans la masse. Ah non, je ne pourrai pas. Autour, ils sont casqués, cordonnisés, brassardisés. Index et pouces vont bon train sur les tablettes… J’en reste chocolat. Tiens, celui-là, il parle (à qui ?) et écoute en même temps. Faudra que je demande à Alban comment ça se fait. Oh ! Et puis non, je risque de pas comprendre, tant pis. Faut laisser couler maintenant. Justement Alban, le fiston, où il est celui-là ? Encore heureux : il reste plus grand que la moyenne, sinon le chercher dans cette foule… Non, pas de Junior (26 ans quand même) à l’horizon. Toujours à l’heure et jamais en avance, comme d’hab. Mais le temps passe, vite. Ah si, il arrive là-bas. Là-bas de l’autre côté du boulevard. Hey, hey, hey : mais il ne me voit pas, il cherche pourtant. Ah un grand geste : ça y est enfin. Après, on se verra après : la course va partir. Il a l’air d’acquiescer. On avance un peu, puis on piétine à nouveau. Ah non, ça fait trop « Exode ». Depuis Noël que je ne l’ai pas vu. Je tente un mouvement de glissement latéral. Manœuvre réussie : smack, smack. « Comme je suis content de te voir ! Surtout que ça ne va pas durer. On se retrouve devant la statue de la République ? Parce que, en course, malheureusement, je n’ai pas d’yeux derrière la tête… ̶ Ha, ha, ricane-t-il, je vois que l’on peut être V3 et continuer à naviguer dans l’imaginaire, voire l’irrationnel. »
Allez, c’est à nous. Départ tambour battant, malgré quelques crochets durant le premier kilomètre pour éviter les faibles d’allure et de jugement. J’avance, mais il fait chaud. Tant pis, faut tout donner dès le début. Après, on compose. Après la gare de Lyon (toujours à Paris), au km 3, léger frottement d’épaule. C’est Junior. « Ah, bravo ! Fonce ! De toute façon, on se reverra… ̶ Sûr, sûr. dans une heure. » Et il s’éloigne mètre par mètre. Accroche-toi V3. Allez, c’est jouable. Au km 5, il ralentit pour prendre au vol une boisson. C’est suffisant. Gros effort, puis pimpant (en façade), je lui frappe à l’épaule : « Coucou, c’est encore moi. Toujours content de te voir. » Peu après il me redouble, définitivement. Seul, me voilà seul. Km 6 ? Pas plus ? Je paye la note des fiers-à-bras durant un kilomètre à six minutes (à vue de nez). Puis je me refais la cerise. Et surtout le mental. Mais elle est où, cette satanée Bastille ? Après, je vois bien la distance qui reste : j’ai été taxi ici-même. Mais, c’était il y a si longtemps. D’ailleurs on ne repasse pas à la Bastille. Et le portique d’arrivée, ce n’est pas ça là-bas ? Le voir, ça m’aiderait à ne pas capituler. Non, c’est un building. Peut-être qu’ils n’ont pas fait de portique au final ? De toute façon, la place de la République est bien au-delà de la ligne. Ah si, là-bas, enfin. Allez, fonce ! Bouh, j’en peux plus. Mais il ne faut pas qu’ « ils » me doublent. Pas maintenant. Enfin, pas trop… Pas tous.
Je finis dans le bon créneau horaire, comme Alban. Je lui rends 1’30″. J’accepte très bien, le reste est spectacle. Et suis content pour lui, peu entraîné après un accident de ski en mars. Puis, surtout, nous « referons le match » en ce dimanche de fête des pères, et même le lendemain. Et, comme lui, je suis heureux d’avoir participé à cette course. Mais, outre familial, le but principal de cette escapade n’était pas l’épreuve sportive. Ni cette rédaction, demandée par le boss, et que je serai peut-être le seul à lire, forcément, jusqu’au bout. Mais une dictée, la veille (finale des Timbrés de l’orthographe). Mais, entre Châtelet et République, je n’ai reconnu aucun de mes concurrents du samedi. Vive la compét’ !
Bossuc, 19 juin 2014
- Thierry Guibault en 30’28″
4843. Alban Suc en 48’12″
5890. André Suc en 49’43″
(16 189 arrivants)
cyrille
Juin 22, 2014 @ 09:52:51
Bravo dédé et le fiston. Dis voir dédé, tu as dû passer plus de temps à écrire cet article qu’à courir? non?
yolande
Juin 23, 2014 @ 20:13:29
Bravo André, je n’avais pas lu ton article avant les 10km du bout du pont de l’arn. Je comprend maintenant pourquoi je t’ai battu au sprint (10m d’avance). Entre le métro, le lèche vitrine,les tuyaux de Beaubourg, la joie de retrouver le fiston, le retour à la campagne, que d’énergie dépensée !!!!!
stephane.tailhades
Juin 27, 2014 @ 20:53:14
André,
Mais non tu n’es pas le seul à lire tes articles. C’est toujours un régal de te lire et une grand MERCI pour nous faire profiter de ta plume
Je ne savais pas que tu avais était taxi à Paris, c’est toujours un bonheur d’y aller (en vacances).
Tu as donc pris la bastille, GLOIRE A TOI.
Peux tu nous conter ta finale des « timbrés de l’orthographe » ?
Tu as la tête et les jambes et c’est un grand bonheur de t’avoir à nos côtés
Stéphane