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Entraînement du président et galette …des rois

Déçus. Forcément déçus. Les 12 athlètes présents pour la « Galette à Ricou » étaient venus pour la photo. Histoire d’épater leur « beauf », fidèle lecteur de la Dépêche du Midi. Bon, il faut bien sûr supporter de poser toujours devant le même lieu emblématique de Lacaune : le café Ricou. Alors qu’il y en a tant d’autres : la Fontaine des Pisseurs, le Jambon de fer, le séquoia du jardin public… Mais en plus, en ce dimanche 18 janvier 2015, ils ne sont pas devant l’envoyé spécial (Christian Calas) de la Dépêche et du Progrès saint-affricain réunis. Mais devant un quelconque novice qui ignore tout du mécanisme des Nikon et des Canon (« Et j’appuie où ? Euh… je sais pas si je l’ai prise »). Reconnaissons cependant que des « canons », le photographe en est pourtant spécialiste. Mais dans la distribution : c’est le barman. Et d’ailleurs, son outil n’est même pas un appareil photo, mais un télphone portable. Qui sans doute peut faire aussi, en lisant bien le mode d’emploi jusqu’au bout, aspirateur… Quelques athlètes ont oublié l’uniforme bleu ciel. Prudemment, pour éviter les camps de travail, ils glissent au deuxième rang. Derrière l’égouttoir de l’auvent, là où la postérité ne retiendra que les ombres d’un visage rond, ovale ou carré.

Et enfin c’est parti. Éric emmène la troupe : « Nous allons partir à contresens du 8 km puis, après le Maloya, revenir un moment dans le sens du trail. » Surprise, il y en a deux qui ont compris le message du premier coup : Jacques (Vieu) et Fabien (Amalric) qui connaissaient déjà le parcours. Les autres suivent gentiment sur la voie ferrée derrière le garage Citroën. « Ils l’on nettoyé », note Ricou. « Des ronces peut-être, pas des escoubilles », maugrée le Bossuc. « C’est vrai : ça fait trash. Je leur signalerai », s’engage le président. Peu après, succession de côtes et de descentes. Souvent sur un « monotrace » ; et encore faut bien le calculer. Alors, Hubert, ces courtes côtes, ces rampaillous comme on dit dans la langue d’ici, sympa non ? « Une horreur, souffle Hubert (Taru). À mon avis, ils cherchent à éliminer les vétérans. Mais ils peuvent toujours courir : je suis pas prêt de lâcher. Têtu je suis né, têtu je reste : c’est pas pour rien que je suis Breton. » Un peu plus haut, c’est le terrain du moto-cross, puis le chemin (carrossable) du Castell. « Et dire que quand j’étais jeune, il fallait prendre la faucille si on voulait passer en moto ou vélo, tellement c’était étroit, se souvient Daniel (Cambon). C’était avant la civilisation des loisirs. » Quelques siècles plus tard, le coiffeur continue à débroussailler les collines. Plus loin, ce sont les deux chiens de chasse de Jacques (Vieu) : ils accueillent les sportifs avec autant d’ardeur que les supporters stéphanois quand leur équipe entre au stade Geoffroy-Guichard. Au-dessus, le satellite Galiléo. Il s’est mis en position géostationnaire juste à l’aplomb de la montre de Céline (Bouquet) : « Il n’y a pas le compte : ça ne fait pas 10 km. » Mais le boss tempère : « Le temps qu’on rentre, il sera onze heures. Et puis il y a la galette. » Chemin faisant, la troupe croise un autre athlète : Yannick (Biau). Lui a un entraîneur particulier : son chien de traîneau.

Ainsi la colonie se retrouve au café Ricou, autour de deux galettes. La distribution ne s’étant pas faite sous contrôle d’huissier, le Bossuc se retrouve avec la part du roi et de la reine. Mais cet hybride ne se laisse pas étrangler par les fèves. Ni, au moment de se couvrir des deux couronnes, par la modestie : « De toutes façons, j’ai l’habitude : je suis déjà le roi des podiums. » Chiche. Prochain rendez-vous d’importance pour le commun des licenciés : la Ronde givrée le 1er février. Le temps est révolu où le sélectionneur s’ingéniait à faire des équipes au temps final homogène. L’heure est venue de la peerformance : objectif top 10 pour l’équipe phare, podiums catégoriels pour d’autres, quantité pour l’ensemble. Un piment qui permet de bonifier la préparation et de déclencher une adrénaline positive. Pas de pression à outrance cependant : comme des gosses, vivons l’instant. Car, huit jours après, il n’est pas certain que quiconque se souvienne de nos « exploits » (ou contre-performances). Comme dit Johnny (Halliday) dans sa chanson : « Cours plus vite Charlie, et tu gagneras… »

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La légende du garçon de courses (conte de Noël)

Conte de Noël

La légende du garçon de courses

 

            C’est la trêve des confiseurs mais pas des rédacteurs. Ou plutôt des recopieurs. En passant les archives, j’ai trouvé un texte qui est paru au printemps 1997, sur le magazine « L’ultra marathonien ». Il est signé par un certain André Suc. À l’époque, il était adhérent de cette association, au départ militant pour que la fédération reconnaisse cette pratique (ce qui fut fait, avec, notamment l’émergence d’une équipe de France des 100 kilomètres). Aujourd’hui, cette association est toujours en activité, plus dans le style amicale ou liaison. J’ai juste actualisé la date (2012 au lieu de 1996). Et depuis,  pour ma part, à défaut d’équipe de France, j’ai été requalifié en équipe de rances (comme les gens bons). Avec le recul c’est bien que le loisir, avec courses sur route, ou trails ou longues distances ait droit de cité. Mais quand même, le sport, le vrai, c’est la piste et le cross, non ? Comme l’actualité est calme, si la veillée vous semble longue, vous pouvez toujours lire les lignes suivantes. Si vous avez moins de temps, zappez sans dommage…

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         Depuis que, la quarantaine bien sonnée, le démon de la course à pied l’avait envoûté, à combien de compétitions n’avait-il pas participées ! Des pelotons régionaux, il était devenu une figure éminemment connue. Sous sa barbe blanche, sa bonne humeur et sa faconde le faisaient apprécier de tous, coureurs, organisateurs et public. Comme il allait avoir quatre fois vingt ans – comme il se plaisait à dire – il s’alignait désormais sur des distances plus courtes, mais avec toujours la même verve.

Ainsi, le dimanche 26 février 2012, il se présenta à la « Corrida du printemps lacaunais ». Le ciel gris annonçait plus la neige que les beaux jours mais, sur la ligne de départ, l’ambiance bon enfant réchauffait le cœur. Hélas, dès la première des trois boucles à parcourir, le vieux joggeur eut un haut-le-cœur, et s’affaissa sur le macadam quelques mètres plus loin. Immédiatement secouru, il devait rester trois jours entre la vie et la mort, avant d’abandonner au petit matin du 29 février.

 

Arrivée en ciel inconnu

Sur la grande porte du paradis, une multitude de panneaux annonçait « Bienvenue » en toutes les langues et dialectes. Sur un placard plus grand était inscrit en lettres d’or : « Essuyez vos baskets sur le paillasson ». Le nouvel arrivant s’exécuta, avant de pousser le battant du portail. Devant lui, une immense salle. Au milieu, trônait un bureau, derrière lequel une secrétaire s’affairait sur l’écran d’un ordinateur. Il s’approcha et lança un « bonjour » enjoué. Son interlocutrice le toisa un instant d’un regard dépourvu d’aménité, mais ne répondit pas.

« Un peu frisquet chez vous. Mais, reprit ce coureur un rien espiègle, ça ne me gêne pas vous savez : c’est mieux que la chaleur d’à côté ! Alors ça y est, je suis qualifié ? Je reste ici ? » La secrétaire étendit ses ailes dans un geste d’agacement. Si bien que, sous ses aisselles, il remarqua une auréole d’où s’échappait une odeur fétide. « Ici, c’est moi qui pose les questions », dit-elle d’un air pincé. Un ange passa… « Je vais chercher votre dossier », reprit-elle quelques instants plus tard.

 

Un ange de bon conseil

Dès qu’elle fut sortie, poussant un balai à franges, un ange apparut. Ce dernier engagea la conversation : «  Vous êtes nouveau chez nous ?

̶̶  Oui, je suis arrivé ce matin.

̶  Alors vous n’avez pas de chance, vous ne serez pas retenu avec nous autres les élus, affirma l’ange de ménage.

̶  Que se passe-t-il ? Les quotas sont dépassés ? s’enquit le coureur, soudain inquiet.

̶  Non, plus simple que cela. L’informaticien a oublié de rentrer le 29 février dans le programme de l’ordinateur. Par conséquent, il ne peut y avoir de nouveaux arrivants au paradis ce jour-là. Un conseil : cherchez un emploi. »

Comme un bruit de talons annonçait le retour de l’employée de bureau, l’ange s’éloigna en vaquant à ses occupations, laissant son interlocuteur fort perplexe.

 

Le jugement

La secrétaire ramenait des dossiers fort volumineux. « Voici, annonça-t-elle,  le relevé complet de votre passage sur la Terre : classeur bleu, les bonnes actions ; classeur noir, les mauvaises. La pesée de ces documents décidera de votre sort pour l’éternité. » Simultanément, elle déposa ces deux chemises sur chacun des plateaux de la balance. Voyant que les faits à charge étaient plus légers, elle rajouta aussitôt un presse-papier massif sur le dossier à couverture noire. Le mouvement s’inversa. « Vous auriez dû, ronchonna-t-elle, fermer la porte en entrant : je suis obligée d’installer ceci, afin que les imprimés ne s’envolent dans ce courant d’air. Comme vous pouvez le constater, vos méfaits sont plus importants que vos bonnes actions. Donc nous devons vous refuser l’accès au paradis. Désolé. »

Pendant qu’elle énonçait ses conclusions, deux anges très athlétiques s’étaient approchés. Maintenant, croisant leurs ailes, ils étaient postés tout près du coureur. « Mais… mais c’est…, c’est injuste. Vous avez… », balbutiait le condamné aux enfers. « Cette décision est irrévocable, interrompit la secrétaire. Ces deux anges gardiens vont vous raccompagner.

 

Un salutaire emploi

Soudain, notre ami se souvint des propos de l’ange de ménage.

« Je cherche du travail ! s’écria-t-il.

̶  Oh, vous savez, ici aussi c’est la crise. Nous n’avons pratiquement rien à proposer. Et, de surcroît, nous cherchons du personnel très qualifié et expérimenté. (Ils cherchent tous à se sauver comme ça, soupira-t-elle plus bas.) Voyons ce qu’il reste, ajouta-t-elle en pianotant sur l’ordinateur. Ah ! J’ai en magasin une proposition, mais une seule : et déjà plus de mille inscriptions ont été déposées pour une unique place offerte. Afin d’assurer la liaison entre les différents services du paradis, nous cherchons un garçon de courses. Le concours a lieu en début d’après-midi. »

« Sauvé ! Sauvé », pensa le coureur, soulagé : la compétition allait reprendre. Pour quelques instants de bonheur. Ou pour l’éternité.