Albi est, pour moi, synonyme de retomber en enfance : aller au carnaval était l’unique sortie ludique annuelle de ma famille. Puis j’y ai suivi mes études, en entrant direct en 4e après l’école primaire. Études efficaces peut-être, mais surtout brèves : au bout de 2,5 années, les vacances de février 1969 furent… éternelles. Cela fait 53 ans, et je ne me lasse pas de continuer à parcourir les rues.
Mais d’abord rendez-vous au stadium dans un créneau horaire juste suffisant. Ravi d’y rencontrer le Brassagais Romain Barthès, qui m’informe que je suis une « vedette » (suite de prestation de jeu TV) pour ses grands-parents vieillissants. Lui, pas mal non plus : petit décrassage au programme, quinze jours après le marathon de Paris bouclé en un temps enviable de 2h 45mn. Un peu plus loin, un jeune homme m’interpelle : « Vous êtes bien André Suc ? —Oui, le vrai ! » J’avais plus ou moins reconnu Guilhem Rouquette, que l’on voit de temps à autre sur ce même site internet. Sa grand-mère (M-Louise Pons) m’en parlait volontiers voilà 5 ou 6 ans. Et le minime a grandi. De justesse, je remplace la question :« Ah, tu as déjà le permis ? » par une interrogation plus neutre « Tu es venu seul ? » À la bonne heure, Guilhem est en bonne forme, et il ne va pas tarder à le prouver, 10 km durant.
En course
8h et 45 mn : c’est parti pour plus de 800 athlètes, sur marathon et semi : avenue colonel Teyssier, le Lude, parc Rochegude, Grand Théâtre. Et nous voilà dans la superbe ville « Unesco ». Nous en sortons par les Lices et la Croix-verte pour rejoindre la route de Millau, les Planques et St-Juéry, le pays des hommes au coeur d’acier. Peu après, bien loin des torrents impétueux de nos montagnes, le Tarn se dévoile dans sa majesté : serein et apaisant, tout en large courbe. Tiens, un maillot connu. Je le suis sur pluisieurs hectomètres, avant un petit coup de collier. Dans cette tenue : Philippe Augé. Il est sur le semi, et a reconnu ma voix au préalable car je suis – comme d’autres confrères – très heureux de me retrouver avec eux dans l’effort, secouant ainsi l’étouffante chape de plomb qui a pesé sur nous pendant deux ans. Philippe trouve aussi que ces courses d’Albi sont parfaitement organisées. Il applique à la lettre les conseils de son compatriote de St-Affrique Serge Cottereau (qui court toujours, après avoir gagné le marathon d’Albi en… 1970) : arrêt à tous les ravitos, et marcher les quelques mètres que dure l’alimentation. Il est sur l’objectid de 2h -2h15 mn. Mais ce n’est pas tout : cette après-midi même, Philippe va à Castres superviser des courses de jeunes.
Mille bravos !
Chapeau bas donc à vous – officiels et officieux – qui permettez à tous – petits, grands, vieux – de trouver un cadre régulier pour exprimer la joie de trouver un parfum de franche camaraderie, et surtout la nécessité du « vivre ensemble » par-delà l’esprit de compétition. Un peu plus loin, au km 15, un aboyeur de temps. Encore un « essentiel » : l’ami Claude Sylvestre qui me renseigne sur ma santé : « Allez, tu es toujours en forme ! ». Pourtant, j’ai comme un doute sur la bonne gestion de la journée précédente : animation du concours de belote de Nages, avec une rentrée matinale vers 1h30. Soit au total, compte tenu de l’agitation due à la nouveauté de l’événement, deux à trois heures de repos.
Mais quel bonheur, ces tunnels (1000 et 300 m) construits pour un train qu’ils n’ont jamais accueilli. Aucune senteur au plus profond : à se demander s’il n’y passe jamais que des moteurs humains… Le mien va bien, merci, mais cependant l’allure a faibli. Rattrapé par 4 ou 5 individus chenus, je ne peux m’empêcher de leur lancer : « Bienvenue au club des aînés ! » Le meneur d’allure pour 4 h 30 est sur mes talons. À partir du semi, nous allons naviguer de concert. Tant bien que mal, car à plusieurs reprises je fais l’élastique, mais nous parvenons ensemble au km 31. Compte tenu de mon état de fatigue et d’insomnie, il ne paraît pas raisonnable de poursuivre dans le rouge plus longtemps. Il a un peu d’avance, me dit-il : avec l’effet retard de mon passage sous le portique de départ, je vais me contenter de l’avoir dans le champ de mire, et ça devrait passer pour 4 h 30. Mais bien vite – est-ce ma vue qui baisse ou l’écart qui grandit ?- je ne le vois déjà plus… Je m’accroche cependant en puisant dans mes réserves : le combat continue, km après km, sans même me rendre compte que je frise la minute supplémentaire pour chacun d’eux.
Dernières cartouches
Maintenant, l’objectif c’est 4 h 35 : c’est, au 39e ce que je spécifie à un camarade de fortune. Ou d’infortune : finalement, ce sera 4 h 36 mn. Mais comment et à quel endroit aurait-on pu arrêter la fuite du temps ?
Quand on le réfléchit, ça fait lourd, comparé à mon dernier marathon, ici-même en 2018 : 3h 51 mn. À ce rythme, en 2025 ou même avant, je suis hors délai. Mais ça ne fait rien, je vais le tenter quand même : l’épreuve est si belle !
Classements
10 km : Guilhem Rouquette, 36’28 ; 13e sur 369 arrivants ; 3e Espoir.
Semi : Philippe Augé, 2 h 11′ 41″ ; 429e sur 476 arrivants.
Marathon : André Suc, 4 h 35′ 43″ ; 201esur 236 arrivants.